LA MUSIQUE BERBERE
Historique
Les berbères sont les premiers habitants du Maroc. Ils habitent essentiellement la partie montagneuse du Maroc : lAtlas . LAtlas forme une dorsale montagneuse qui commence au nord à la hauteur de Fès et se prolonge dans le sud jusqu'à la hauteur de Goulimine . Il se décompose en trois chaînes de longueurs inégales : - le haut- Atlas - le moyen-Atlas - lanti-Atlas Le haut-Atlas est long de 700 kms et forme une chaîne imposante entre lAtlantique et le Maroc oriental, il forme dans sa partie nord une fourche dont la branche supérieure est le moyen-Atlas . Au sud il dessine une autre fourche qui enserre la plaine du Sous et donne sur lAtlantique dont la branche inférieure forme lanti-Atlas . LAtlas est divisé en parlers : - le tamazight ,il est parlé dans le haut-Atlas oriental et le moyen-Atlas par les berabers . - le chleuh est parlé dans le haut-Atlas occidental et central et dans lAnti-Atlas par les chleuhs .
Les berabers et les chleuhs sont deux grands groupes berbères . La musique berbère est une musique rurale par opposition à la musique arabo-andalouse qui est citadine . Elle est aussi beaucoup plus fonctionnelle et participe beaucoup à la vie agricole, elle rythme la vie quotidienne des gens . La danse y est très importante , les instruments sont différents . Il y a aussi des parallèles avec la musique arabo-andalouse pour une prédilection pour des développements que lon qualifie de suites, pour le rôle important accordé au tambour et aussi pour la proximité de leurs échelles musicales ; la poésie y a une grande place et elle est chantée tout comme dans la musique arabo-andalouse .
Les chants dans la vie agricole : le ddikr
Le ddikr ( au pluriel ladkar ) est un chant dinspiration religieuse et a une place importante dans toutes les étapes de la vie agricole : les labours, les moissons, le dépiquage mais aussi le travail de la laine . Lélément essentiel de ce chant est linvocation de façon répétitive du nom de Dieu, afin de prévenir certains effets néfastes sur les récoltes tels que la grêle, le gel, le vent trop fort
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Ces chants sont aussi bien chantés par les hommes que par les femmes . Ils ou elles se réunissent en séances au cours desquelles les versets font lobjet de répétitions dont le nombre est fixé par la tradition . Ce sont dans ces ladkar que les femmes puisent leur inspiration pour des chants utilisés à dautre occasions . En particulier pendant les activités agricoles propres ( seules les femmes soccupent des activités agricoles ). Ces chants sont un mélange darabe et de berbère .
Les musiques de danse
Il y a deux grandes traditions de danses : - les Ahwash chez les chleuhs - les Ahidus chez les berabers Ces deux danses sont associées à des grandes fêtes collectives, forment ainsi tout un spectacle ou sont associés la musique, le rythme, la poésie . La musique est chantée par les choeurs le plus souvent mixtes et accompagnée dun ensemble de benadir et de claquements de mains. Les Ahidus et les Ahwash se distinguent au niveau du rythme, des échelles modales , de la chorégraphie et de linstrumentation . Elles se ressemblent un peu malgré tout, car les divergences ne sont pas très bien définies et surtout elles ont en commun le thème de lappartenance au village et à la même aire linguistique .
- Les Ahidus : On différencie le petit ahidu et le grand ahidu . Le petit ahidu est appelé amezyan . Il est accessible aux jeunes et aux gens qui ont moins dexpérience. Le grand ahidu est appelé akswath . Il rassemble des gens plus professionnels car le rythme est plus lent, la gestuelle plus complexe, il est la fierté de la tribu, cest celui-ci que lon réserve aux grandes occasions . Lahidu est composé de cinq mouvements principaux : - le tamawayt qui est un appel, un chant solo et exécuté par un chanteur ayant une voix forte et aiguë - la phase lente de rythme quinaire - la phase modéré avec des rythmes binaires - la phase rapide avec un rythme binaire - la phase rapide avec un rythme ternaire L ahidu nutilise quun seul instrument : le bendir, cest un instrument fait dun cercle de bois percé dun trou pour permettre à la main gauche dintroduire le pouce et de saisir linstrument . Le bendir est recouvert dun coté par une peau de chèvre sur un cercle de 75 cm de diamètre environ ; la profondeur de linstrument est limitée à 15 cm . Le percussionniste utilise en plus de sa main droite les quatre doigts de la main gauche pour produire les rythmes de lahidu avec toutes les nuances de frappes possibles
La constitution de la danse
Cette danse est constitué par un grand cercle, épaule contre épaule des hommes et des femmes reproduisent des mains, des pieds et du corps entier les mouvements et fluctuations du rythme . Les danseurs et les danseuses résonnent au diapason des chants et de la percussion, ils sont bercés par les pulsations qui décuplent dintensité en se transmettant dépaule à épaule .
Chaque tribu combine à sa façon les éléments du gestuel, cest souvent le percussionniste central qui dirige lensemble .
La symbolique de la danse
Lahidu reproduit les gestes quotidiens de lhomme et de la femme, symbolise lunion . Hommes et femmes tiennent à exprimer leur attachement aux valeurs tribales, cela explique pourquoi même les femmes mariées peuvent danser parfois à coté dhommes de la tribu inconnus delles .
-Les Awash :
Les Awash se passent souvent à la tombée de la nuit . La danse se constitue progressivement et les sections se composent . Cest un spectacle fait de danses, dimprovisations poétiques, de percussion et de chants individuels et collectifs . Lawash offre aussi lopportunité de résoudre un conflit à lintérieur dune tribu . Les hommes et les femmes participent tous deux à la danse mais ils sont séparés , il y a des awash pour les hommes et des awash pour les femmes .
Le rythme : ils sont nombreux et divers par le genre et la richesse de leurs accentuations . Lawash pratique la division des percussionnistes, tous nont pas la même fonction ni le même registre sonore Le rythme est binaire . Les instruments : Ils sont classés en deux groupes : la percussion et linstrument mélodique . Les percussions sont appelées : - allun : cest un tambour sur cadre, il fait 40 à 50 cm de diamètre et 8 à 10 cm de profondeur - ganga : cest un gros tambour africain à deux peaux joués à laide de deux baguettes recourbées, il est très utilisé dans lawash de lanti-Atlas
La constitution de la danse : Lessentiel du gestuel de lawash est constitué selon les cas par des claquements de main, par des trépignements du corps ; la vigueur des mouvements varient selon quil sagit dhommes ou de femmes ou de circonstances . Le concours du poète est essentiel, il assure la qualité des thèmes . Le chant est antiphonaire, les deux groupes de lawash chantent chacun une partie en alternance . Dabord sans percussion, le chant est exposé par lun des deux groupes, repris par lautre, puis lélan rythmique intervient .
La Taskiwin :
Cest une forme particulière de lawash . Cette danse est une danse masculine accompagnée de flûtes et de tambours ; elle a une connotation guerrière . Elle porte son nom de la corne à poudre richement décorée que porte chaque danseur sur lépaule gauche : tikst, taskiwin au pluriel .
Cette danse nécessite la participation dune vingtaine dhommes, requiert deux ou trois tambours sur cadre, des tallunt et des flûtes, talwwatt ; de plus chacun des danseurs tient un petit tambour en forme de gobelet, agwal . Les danseurs portent des vêtements particuliers : des burnous blancs, un turban blanc, une ceinture brodée et un poignard enfoui dans un fourneau
Les musiciens itinérants
Leur présence sest développé depuis le début du siècle . Ils parcourent la montagne au printemps et en hiver après les récoltes. Ils ont un rôle de messager en amenant des informations politiques et régionales de village en village.
Les Imdyazn Ils sont originaires du haut-Atlas oriental ; ce sont des musiciens saisonniers . La troupe se compose de quatre chanteurs et musiciens : - un poète chanteur, lamdyaz, il est aussi le chef de la troupe . - deux irddadn répondants, accompagnateurs, ils répètent les vers du poète chanteur ou chantent en alternance avec lui . - le bu ughamin « celui du roseau », il chante et joue de la clarinette double (aghamin) ; il est le personnage excentrique de la troupe et est habillé comme une femme . Lart des imdyazn est un spectacle à part entière et sinspire des événements locaux : le bu ughamin amuse pendant que lamdyaz informe et comble les gens de sa poésie .
Ils chantent deux répertoires : - le tamdyazt : cest un chant à caractère moral ou politique qui ne comporte pas daccompagnement instrumental . Il existe trois sortes de tamdyazt : - tayffrin, traite dévénements passé ou actuel - tafsut, signifie printemps et traite des femmes et de l amour - tuhid, traite de la vie religieuse et morale - les izlan : ils sont chantés par les accompagnateurs et sont composés de deux ou quatre vers . Ils traitent de thèmes légers .
Les Shikkat
On les trouve chez les Berabers . Ce sont des chanteuses et des danseuses . Elles utilisent différents sortes de tambours et se font accompagner au violon, à lalto ou au luth . Leurs chants ressemblent aux izlan
Les Rways
Cet ensemble de musiciens se produit chez les Chleuhs . Le poète chanteur, rays saccompagne à la vielle monocorde, rbab ; il est accompagné de plusieurs joueurs de luth à trois ou quatre cordes (gimbri) et dun joueur de cloche naqus et parfois de joueurs de tambour sur cadre et de petites cymbalettes en cuivre fixé (nuisqat) . Aujourdhui les nuisqat sont lapanage des danseuses raysat . Leur spectacle se compose de figures chorégraphiques multiples et complexes. Leur art se distingue par les habits blancs des danseurs, par lélégance du geste, par la maîtrise de la voix, du jeu instrumental et du rythme exécuté par des trépignements de pieds et les petites cymbalettes . Leur spectacle se déroule en plusieurs phases : - astara, cest le prélude, il est instrumental, donne les notes de base aux autres instruments ; le prélude est joué généralement par le chanteur . - amarg, cur essentiel du spectacle, est le poème chanté . - ammussu, est louverture chorégraphique . - tamssust, est un chant intercalaire . - aberdag, est une danse . - tabbayt, est la phase finale, le rythme saccélère annonçant la fin . La musique est presque exclusivement pentatonique. Le poème est soumis à deux impératifs rythmiques : celui de la phrase musicale et celui de la percussion . Le rythme de la percussion est dominé par un rythme ternaire simple .
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L'AME BERBERE
L'expression de l'âme berbère passe incontestablement par les chants et la musique, qui sont les deux composantes d'un art qui se transmet de génération en génération depuis des siècles dans les montagnes marocaines. Les scènes de chants berbères font intervenir parfois plusieurs dizaines de participants, dont un chef de chant (raïss), qui emmène sa troupe avec un dynamisme époustouflant. A travers tous ces chants, la rythmique est la base fondamentale et reflète le tempérament et le génie des chefs de chant. On peut distinguer trois zones musicales berbères correspondant aux zones linguistiques bien connues : le Tachelhit du mot Chleuh du bassin du Sous, le Tamazight du mot Amazigh - Seigneur de la région du Moyen Atlas, le Tarrifit du mot Rif, région du Nord du Maroc. On retrouve dans ces trois régions les trois grandes danses les plus célèbres du Royaume : L'ahouach est une danse d'hommes et de femmes des pays Chleuhs du bassin du Souss. Il s'agit d'une cérémonie nocturne dans laquelle les femmes forment une ronde autour d'un feu de branches légères. Au centre une douzaine d'hommes forment un cercle plus restreint, tous munis de bendir (grand tambourin rustique). Le thème musical s'établit par soubresauts puis succèdent alors les bendir-s sur lesquels la ronde des femmes commence à onduler. La danse arrive alors à son paroxysme lorsque la ronde des femmes se divise en deux coeurs qui se font face et se donnent la réplique. L'ahidous est une danse d'hommes et de femmes du Moyen Atlas dans laquelle, cette fois, hommes et femmes sont coude à coude. Elle est réglée selon un rythme à la fois souple et rigoureux avec des ondulations. Après cette phase d'introduction, un couple de danseurs se détache, puis virevolte avec grâce. La guedra est une danse connue originaire de Goulimine et des pays sahariens. Son cadre musical est composé d'un petit groupe d'hommes dont l'un deux exécute un rythme régulier en frappant sur une poterie. La danse est effectuée par une femme située au milieu du groupe de chanteurs. Elle est à genou, enveloppée dans une étoffe bleue, et exécute de la tête et des mains la rythmique endiablée de la guedra. |
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